La cité, c’est un nouveau jeu vidéo révolutionnaire auquel Thomas et Ludovic, deux ados de 15 ans, se sont inscrits. Le concept est simple : il s’agit de se connecter à un univers virtuel persistant (style World of Warcraft moins les trolls évidemment), y déambuler à sa guise, au rythme de rencontres . Annoncé par une campagne publicitaire à grands renforts de superlatifs et de mystères, ce jeu a conquis près d’1 million de joueurs dans le monde. Mais personne ne sait encore quel est son but ultime. Néanmoins, des règles tacites semblent se dessiner, comme celle qui impose de ne jamais parler de sa vie réelle faute de quoi la lumière blanche vous fauchera.
Face à l’engouement quasi unanime sur la toile, je ne pouvais pas ronger mon frein plus longtemps. Il y a des thématiques épineuses. Des thématiques susceptibles de faire dévaler des pentes glissantes, à toute vitesse, pour qui n’en maîtrise pas les codes. Le jeu vidéo, il me semble, en fait indéniablement partie. Depuis No pasaran, le jeu (Christian Lehmann, L’Ecole des Loisirs, 1996), qui dans nos vieilles bibliothèques poussiéreuses (joke) fait encore autorité, peu d’autres romans sont parvenus à se détacher du lot. Pour ma part, je ne relèverai que Epic (Conor Kostick, Bayard, 2011) qui ne me semble cependant pas totalement abouti. La cité quant à elle, ne joue pas dans la même catégorie. Si le concept aurait pu se révéler intéressant, plusieurs écueils ont littéralement gangréné ma lecture. En premier lieu, l’écriture pauvre et aussi vide que l’écho des abîmes. Certains auteurs ont la capacité exceptionnelle de brosser un monde haut en couleurs avec une poignée de mots. Ca s’appelle le style. C’est un don si l’on veut, une qualité à tout le moins. Je suppose que cela peut se travailler. Vraisemblablement, elle n’est pas donnée à tout le monde. En plus d’être pauvre, l’écriture souffre d’une syntaxe déplorable. Les phrases sont courtes, minimalistes ; proches du langage parlé. Et les dialogues frisent une vacuité aberrante. Une écriture terne donc, mise au service d’une intrigue creuse et stéréotypée. En d’autres termes, ni le fond ni la forme ne parviennent à se sauver.
Puisqu’il n’y a que les spécialistes d’un genre qui peuvent nous offrir un regard lucide sur une question donnée, voici un morceau choisi de la critique parue dans le n°245 de Canard PC : « […] La Cité, prévu en 5 tomes, se place d’emblée dans le genre des tourne-pages. Ecrit dans le plus pur style roman jeunesse, c’est-à-dire de façon pas très élégante, le roman se lit vite, et se termine sur un vieux retournement de situation des familles qui m’a fait sortir de ma réserve habituelle pour copieusement insulter l’auteur. En effet, si l’intrigue a de quoi éveiller l’intérêt, le reste est à l’image de la passion de Thomas pour la magie : une illusion, de l’esbroufe, un truc. Des personnages en carton-pâte, mus par des motivations stéréotypées dans un jeu vidéo tout sauf crédible […]. »
Bref. Tout est dit.
C.A. (et Maria Kalash pour Canard PC)
Un autre avis mitigé (probablement le seul) présent sur la toile : http://mariae-bibliothecula.blogspot.com/2011/12/la-cite-tome-1-la-lumiere-blanche.html
Le livre : La cité, tome 1 : la lumière blanche de Karim Ressouni-Demigneux, éditions Rue du Monde, 16 €
Illustration de la couverture : Antoine Guilloppé